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Karine Forest

Je suis en vie, je suis encore là. Je ne peux pas me plaindre, je n’en ai pas le droit, au nom de ceux que j’ai connus et perdus du cancer dans les dernières années.


Survivante d’un cancer du sein
Participante au programme Challenge contre le cancer depuis 2016

Faire un Challenge contre le cancer pour soi

Le 16 juillet 2014

Ma vie a changé drastiquement. Je venais d’avoir 36 ans et à l’époque mes enfants avaient 3 et 5 ans. Le chirurgien, mal à l’aise, m’annonce un cancer du sein triple négatif. Il est agressif et progresse rapidement. En un mois, de la grosseur d’un petit pois, il est maintenant rendu à la grosseur d’un œuf et mes ganglions sont atteints. Mes chances de vivre? Il ne peut se prononcer. La seule chose qu’il me dira et qui me donnera un peu d’espoir « les carottes ne sont pas encore cuites »…

Le 9 septembre 2014

Je suis assise dans la salle d’attente afin de recevoir mon premier traitement de chimiothérapie. En face de moi, sur le mur, une affiche de la Société de recherche sur le cancer (SRC). Je me lève, curieuse, et je vais lire l’affiche. Une photo de Stéphane Rousseau, alors porte-parole, fait la promotion de « challenges » dans différents pays. Le chemin des Incas, au Pérou, m’attire comme un aimant.

Durant les 3 mois que durera ma chimiothérapie, je m’assois à la même place et visualise cette même affiche. Durant cette même période, je bénéficierai d’un traitement expérimental. Je suis profondément convaincue que celui-ci m’a sauvé la vie. Je termine mes traitements de chimiothérapie le 19 décembre 2014 et peu après, je me décide enfin d’appeler la SRC pour avoir plus d’informations.

Je dois amasser la somme de 9 000$, qui sera remise à la SRC afin de financer divers projets de recherche contre le cancer. En échange, le participant doit relever un défi physique, soit de marcher sur quelques jours avec un niveau de dénivelé allant d’intermédiaire à avancé. Généralement, le participant marche en mémoire ou pour son héros du cancer. Dans mon cas, je décide de marcher pour moi, pour ma survie et ma réhabilitation.

Je n’avais jamais marché auparavant et je dois subir encore diverses opérations et des traitements de radiothérapie. « Bah », je me dis… « je vais y arriver! »

Ma collecte de fonds, qui me faisait si peur se passa au-delà de mes attentes! Je récolte finalement la somme de 16 000$, soit un surplus de 7 000$!

Un premier Challenge

Le voyage au Pérou en novembre 2016 a été pour moi un véritable pèlerinage. Je me relève d’une opération qui a mal tourné. On a dû retirer l’implant, car ma peau n’a pas tenu le coup dû à la fragilité relevant de la radiothérapie. Je me retrouve au point de départ, mais je garde le sourire. Un défi qui me fera dépasser mes limites et qui m’amènera au bout de moi-même. Une marche de 35 km, en 4 jours, à travers les montagnes et la jungle pour finalement nous amener au Machu Picchu, ce lieu mythique. Nous avons dormi en tente et tous les repas étaient préparés par une formidable équipe de cuisiniers.

L’aventure se poursuit

Après ce voyage qui a été si révélateur pour moi, je décide de m’inscrire pour un 2e défi. La SRC permet au participant qui a un surplus de le transférer sur un autre défi. Je choisis cette fois le trek du Laugavegur en Islande, dont la somme à amasser est de 10 000$. J’ai mon surplus de 7 000$, il me reste donc 3 000$ à récolter. Ma campagne se passe encore bien et je récolte à nouveau un surplus.

Je m’envole donc vers l’Islande en juin 2018. Ce voyage sera différent en tout point, mais ô combien formateur et ressourçant. Une marche de 136 km sur 6 jours, dont une seule journée de 36 km en 13 heures. La température de l’Islande est constamment en changement, donc c’était un réel défi! Nous avons notamment marché 12 heures sous une pluie battante durant une seule et même journée, nous avons d’ailleurs dû traverser 3 rivières glacées. En arrivant au bout de la journée, on doit monter notre tente qui est mouillée, notre matelas qui est humide, sans compter nos vêtements qui ne sècheront pas durant la nuit… La température nous poussa tous réellement au bout de notre patience! Mais ce voyage fut tellement magnifique malgré tout.

Je suis en vie, je suis encore là. Je ne peux pas me plaindre, je n’en ai pas le droit, au nom de ceux que j’ai connus et perdus du cancer dans les dernières années.

Jamais deux sans trois

Mon 3e défi a été d’aller marcher sur le toit du monde en Inde, soit dans la chaine Himalayenne en juin 2023. Un autre voyage spirituel, car la région du Laddakh où nous avons marché est majoritairement bouddhiste. Des gens extrêmement accueillants et respectueux, malgré la simplicité de leur vie.

L’altitude était cette fois-ci le défi. Le souffle est court, on doit marcher lentement, un pas à la fois. Lors de notre ascension vers le plus haut col de notre voyage qui culmine à 4 250 mètres d’altitude, notre guide nous explique que l’on ne doit pas regarder en avant, mais plutôt regarder en arrière, pour admirer tout le chemin parcouru.

L’arrivée au sommet est très émotive. Nous sommes un groupe de 19 participants accompagnés de 3 guides. C’est bruyant, car nous célébrons cette ascension, mais quelqu’un propose de faire un 5 minutes de silence. Chacun s’éparpille, prend une place au sommet et c’est un moment de plénitude qui me remplit. Je m’assois et je ferme les yeux. Je savoure littéralement le vent sur mon visage. C’est un vide complet qui nous entoure, car à cette altitude, il n’y a aucun son. Je suis reconnaissante d’être là pour pouvoir vivre ce moment.

Prochain arrêt : le Maroc

Un 4e défi pour moi, soit la traversée du désert du Sahara au Maroc en mars 2024.

C‘était pour moi le plus difficile. Les facteurs tels que le soleil, la chaleur, marcher dans le sable et l’accumulation de longues distances durant 8 jours m’ont vraiment confronté à mes limites. Cependant, malgré la difficulté, c’était un voyage magnifique. Dormir dans le désert, pouvoir admirer un ciel étoilé, s’imprégner de la culture et de la vie de nomade comme les gens du désert. Les dunes à perte de vue sont indescriptibles.

On me demande souvent quel est le défi que j’ai préféré, mais il m’est impossible d’en choisir un. Chaque défi a ses particularités et chaque défi m’a apporté quelque chose de différent, tant au niveau de l’expérience que des rencontres que j’ai faites.

Une chose est sûre, je ne rêve plus… J’agis! Avant mon cancer, je regardais le train passer, maintenant, je prends le train et je fonce droit devant.

Le Challenge est une excellente façon de contribuer à la recherche sur le cancer tout en se dépassant physiquement, que ce soit pour vous ou en mémoire d’un être cher. Comme j’ai pu profiter d’un traitement expérimental, je crois profondément en la recherche et en ses bienfaits.

Je ferai mon 5e et dernier défi en 2026.  J’attends de voir les destinations qui s’offrent à moi. Ensuite, après 10 années passées avec la SRC, je tirerai ma révérence comme participante, mais je resterai une ambassadrice et continuerai toujours à soutenir cette cause si chère à mes yeux.

Souvenirs de mes expériences